mercredi 31 mars 2010

L’Amazonie sauvage

Le lundi 15 février, nous nous réveillons très excités à l’idée de partir découvrir l’Amazonie, cette terre mythique qui fait rêver l’explorateur qui sommeille en nous… Pour rejoindre Manaus, la capitale de l’Etat, nous expérimentons un mode de voyage très courant au Brésil mais beaucoup moins ailleurs : l’avion à escale ou avion taxi. Nous décollons d’abord de Rio, volons jusque Brasilia, où certains passagers quittent l’avion tandis que d’autres le rejoignent, et nous redécollons ensuite après une escale réduite pour finalement atteindre Manaus (nous n’avons qu’un arrêt mais certains vols nécessitent 4 ou 5 arrêts différents).

Une fois arrivés à Manaus, nous utilisons la journée pour organiser notre séjour dans la jungle et nous offrons le soir notre première churrasquaria, restaurant de viande brésilien dans lequel les serveurs passent avec des morceaux de viande embrochés sur une épée et servent les clients à volonté. Nous trouvons d’abord que le service est gargantuesque et un peu trop généreux, car chaque serveur s’arrête à notre table pour nous servir, alors même que nous avons déjà 2 ou 3 beaux morceaux de viande dans notre assiette. Un des serveurs, voyant notre désarroi, fait alors l’effort de nous expliquer les « règles » de ce type d’endroit : un disque de couleurs est disposé sur notre table. Si le disque est vert alors les serveurs savent que nous avons faim et qu’il faut nous servir. Lorsque nous voulons faire une pause ou avons terminé, il faut tourner le disque pour qu’il devienne rouge… Evidemment le notre était resté sur vert toute la soirée ce pourquoi les serveurs nous servaient constamment de nouveaux morceaux de viande, pensant que nous avions un appétit d’ogre !

Le lendemain matin, nous partons pour notre tour dans la jungle amazonienne. Nous avons opté pour une formule « hors catalogue » qui nous permet de dormir dans un camp directement dans la jungle, avec un guide. Nous aurions également aimé naviguer en bateau sur la rivière Amazone, mais les tours existants ne correspondaient pas à nos envies… et à notre budget. De plus de tels voyages sont plus rares et les dates de départ ne correspondent pas non plus avec nos disponibilités. Ce sera pour une prochaine fois ! Le début du tour est le même pour tous les touristes qui partent de Manaus : on prend un petit bateau pour traverser la rivière et voir sur le chemin la « séparation des eaux ». C’est un phénomène naturel intéressant qui a lieu à la rencontre de la rivière Amazone, une rivière couleur café au lait, et la rivière principale de Manaus, de couleur noire - contrairement aux idées reçues, Manaus n’est pas sur les rives de l’Amazone. Les deux rivières (qui doivent leur couleur aux sédiments qu’elles charrient) ne se mélangent pas immédiatement car elles ont des vitesses différentes et une composition différente également. Le fleuve a une couleur homogène environ 5km après le point de rencontre. P1060791Après cette première attraction, nous partons pour un trajet d’une heure en minibus durant lequel le seul arrêt est pour observer des nénuphars géants. Le minibus nous emmène au bord d’une autre rivière noire, sur laquelle nous naviguons pendant encore une heure sur une pirogue sous une grosse pluie tropicale. Notre guide déplie une bâche pour que nous puissions nous protéger ainsi que nos gros sacs, le pilote de la pirogue est donc le seul à ne pas être protégé et arrive au lodge trempé jusqu’aux os. Le lodge de notre agence qui est le lieu de séjour de la plupart de nos compagnons de voyage est plutôt bien équipé et nous y prenons un déjeuner copieux avec des crudités, ne sachant pas quels seraient les repas dans notre camp. Le confort relatif du lodge est attirant mais cela aurait trop ressemblé à ce qu’on avait fait au Pantanal, ce pourquoi nous avons choisi une formule différente. DSC07098Après le déjeuner suivi d’une petite sieste pour Natacha, il est temps de continuer notre voyage avec notre guide, Sid. Nous étions censés avoir un petit séjour privé, juste tous les deux et le guide mais nous emmenons finalement avec nous une troisième touriste, Evelyne, une franco-allemande ayant grandit en Suisse et travaillant à Bruxelles (l’Europe en une personne…) qui avait réservé un tour en bateau mais le bateau était en panne. Nous naviguons une demi-heure de plus sur la rivière avant de rejoindre notre campement, perdu dans la jungle. La première activité à laquelle nous initie le guide est la pêche au piranha. Malgré notre « expérience » acquise au Pantanal, nous ne brillons guère et abandonnons de nouveau relativement vite… sauf Fred qui persiste et parvient finalement à attraper un petit piranha, qu’il relâche finalement – il n’y aurait pas grand-chose à manger dessus de toute façon… Pour information, la pêche au piranha est particulièrement frustrante car les poissons se jettent littéralement sur la viande accrochée à l’hameçon et la dévorent en quelques secondes mais sans jamais mordre à l’hameçon. La technique consiste donc à relever vigoureusement la ligne dès que l’on sent une touche…en espérant accrocher un poisson au passage. Le pilote-cuisinier du bateau nous montre la technique qui semble bien évidemment très simple…autant dire clairement qu’il n’en est rien et qu’il faut de la chance!P1060820 Nous dînons ensuite sur le bateau. Le guide et le pilote du bateau nous ont concocté un bon petit repas après une caïpirinha en apéritif, LA boisson officielle brésilienne : ils s’occupent bien de nous quand même ! Nous partons ensuite avec le guide à la recherche de caïmans en pirogue. Il fait nuit noire, Fred et Evelyne sont à l’arrière de la pirogue, peu rassurés car la pirogue est très basse sur l’eau et la marge pour gîter n’excède pas un centimètre ! Natacha est juste derrière Sid, et peut donc observer plus facilement la méthode du guide pour dénicher les caïmans. Nous en verrons 3 dans la soirée, les apercevant grâce au reflet lumineux de la torche dans leurs yeux. Sid a pour objectif de les attraper pour nous les montrer, mais il échoue aux trois tentatives – au soulagement de Natacha qui était un peu inquiète à l’idée du caïman capturé jeté sur elle par Sid…P1060832 Pour nous remettre de nos émotions et du long voyage de la journée, Sid nous prépare une autre caïpirinha. Il accompagne le cocktail d’histoires sur ses précédentes expéditions en camping dans la jungle pendant lesquelles des jaguars sont venus visiter les campements ou comment dans le village du cuisinier un jaguar est venu dévorer un chien il y a quelques semaines. Evidemment, cela nous met en condition pour angoisser toute la nuit… Nous dormons dans des hamacs, couverts de moustiquaires, sous un modeste toit pour nous protéger de la pluie (mais en extérieur complet). La jungle est extrêmement bruyante, mais on se fait étonnamment bien au bruit ambiant. Il devient même un concert formidable. Le problème survient pour la maudite pause pipi du milieu de nuit (la caïpirinha est particulièrement diurétique…), pour laquelle chacun d’entre nous hésite pendant une bonne demi-heure avant de craquer. Il faut alors se lever (nous dormons de toute façon tout habillés), aller seul loin du camp dans la nuit noire et s’offrir aux jaguars… mais surtout aux moustiques ! Malgré une application exhaustive de répulsif contre les moustiques sur notre peau mais aussi sur nos vêtements, nous sommes pourtant tous piqués de la tête aux pieds, y compris à travers nos vêtements. Et dire que notre campement est sur les rives d’une rivière noire, ce qui garantit un moins grand nombre de moustiques (les rivières noires ont cette couleur car elles transportent des végétaux en décomposition ce qui abaisse le pH de l’eau et empêche le développement des larves de moustiques). Heureusement nous avons pris un traitement antipaludéen donc nous ne risquons pas grand-chose d’autre que des démangeaisons incontrôlables. DSC07136 Nous avions prévu de passer la journée du lendemain à marcher dans la jungle, mais nous nous réveillons sous une grosse pluie tropicale (la deuxième en 2 jours !) ce qui retarde donc notre départ. De plus, le sol de la jungle est très humide ce qui veut dire qu’il est impossible d’organiser un pique-nique amélioré au beau milieu de la jungle. Nous décidons alors de faire une marche plus courte, environ 2 heures, durant laquelle Sid nous explique quelques techniques rudimentaires de survie dans la jungle ainsi que les propriétés de la flore locale : quelles lianes contiennent l’eau potable ; quelles noix contiennent des larves comestibles ; quels troncs résonnent et permettent d’émettre un signal puissant en cas de problème pour appeler des secours ; …. A notre retour de la marche, nous découvrons un nouveau compagnon, un californien prénommé Jeff. Il rejoint le groupe pour passer 6 jours dans la jungle seul avec Sid ; cela va probablement lui permettre de s’enfoncer encore plus que nous dans la jungle, pensons-nous, et d’avoir une expérience vraiment authentique, devoir pêcher pour pouvoir se nourrir par exemple – un problème se pose cependant assez vite pour lui : il ne mange pas de poisson…P1060873 P1060898 Nous déjeunons tous ensemble puis quittons le camp pour le second campement, 1h30 minutes plus loin en pirogue. Nous nous arrêtons en chemin dans diverses maisons surgies de nulle part au détour d’un bras de rivière, et dans lesquelles nous nous ravitaillons pour le repas du soir. Le second campement est encore plus rustique que le premier, avec simplement une structure en bois établie de façon permanente. Nous devons y ajouter les bâches pour la pluie inévitable pendant la nuit, ainsi qu’y répartir nos hamacs afin d’assurer un équilibre du poids imposé à la structure pour qu’elle ne s’effondre pas au milieu de la nuit. Après cet effort, nous pouvons de nouveau nous reposer au bord d’un feu lancé par les garçons (Fred le premier !) qui a le mérite d’écarter les potentiels jaguars qui envisageraient de nous rendre visite pendant la nuit. La seconde nuit est très semblable à la première, le sommeil guère meilleur mais le concert de la jungle toujours aussi magnifique. P1060918 Le lendemain matin, dernier jour de notre tour amazonien, nous partons pour un tour en canoë durant lequel nous allons essayer d’observer quelques animaux, notamment des singles. Malheureusement c’est un échec complet et nous ne pouvons admirer que la rivière paisible au petit matin… Sur le chemin du retour vers le lodge du départ, nous apercevons quelques dauphins roses de rivière qui viennent très furtivement respirer en surface. Ils sont trop rapides pour être pris en photos mais au moins nous les avons aperçus !P1060839 Au final, nous aurons réussi à apercevoir pendant ce séjour une grenouille venimeuse (cachée sous le lit fait de feuilles de palmier de Sid), une belle araignée sur un arbre lors d’une de nos ballades en bateau et bien entendu de nombreux oiseaux. C’est un bilan bien moins impressionnant que celui établi au Pantanal, cependant nous ne rentrons pas déçus de notre voyage en Amazonie. Tout d’abord notre guide de voyage nous avait prévenu qu’il ne fallait pas imaginer voir beaucoup de faune en Amazonie. En effet, la végétation est si dense et si haute qu’il est pratiquement impossible d’apercevoir les animaux qui vivent essentiellement au niveau de la canopée, en revanche il est assez facile de les entendre. A l’inverse, les plaines du Pantanal sont très dégagées et offrent un formidable terrain d’observation de la faune locale. Nous retiendrons surtout de l’Amazonie cette expérience de la jungle telle que nous ne l’avions jamais connue. Dormir au milieu de nulle part, entourés de végétation, d’eau et d’animaux, en extérieur et avec un spectacle sonore continu est une expérience qui vaut le détour à elle seule. Nous sommes donc ravis d’avoir pu découvrir à la fois le Pantanal et l’Amazonie, qui sont deux voyages très complémentaires pour des amoureux de la nature comme nous.DSC07113 DSC07123