vendredi 17 septembre 2010

40 000 marches vers le Bouddha du Mont Emei

Nous débutons l’ascension du Mont Emei le matin du mardi 10 août. Le mont Emei est une des quatre montagnes sacrées du bouddhisme chinois et l’ascension redoutable de ses milliers de marches constitue un pèlerinage très prisé des touristes chinois. Il va sans dire que l’immense majorité d’entre eux préfère une version édulcorée du pèlerinage fait intégralement en bus. Ce n’est pas notre cas !IMG_7550 DSC04066Après une bonne nuit dans des lits bien moelleux pour prendre des forces avant la montée, nous laissons Anne-Sophie prendre le bus jusqu’au sommet de la montagne (entorse oblige), tandis que nous partons à quatre à l’assaut des 20 000 marches (d’après nos calculs). La montée débute par une pause en visitant le monastère de Wannian que nous rejoignons en bus et téléphérique depuis Emeishan. Cette première étape nous donne un bon aperçu de ce que peut être la visite d’un lieu touristique au milieu d’une ribambelle de groupes de touristes chinois accompagnés de leurs guides tous équipés d’un mégaphone. Pour l’intimité et le recueillement, on repassera… SAM_0683 La visite du monastère n’en est pas moins intéressante car le lieu est fait de nombreux petits temples en bois devant lesquels les fidèles brûlent des bougies et des bâtons d’encens. Après une petite demi-heure de visite, nous sommes contents de débuter enfin l’ascension proprement dite car nous nous retrouvons seuls dans la forêt embrumée. Tout le pèlerinage (l’ascension comme la descente) se fait sur des marches en pierre construites dans la montagne. Le pèlerinage consiste donc à gravir puis redescendre un escalier géant (le plus grand du monde ?). Les premières volées de marche, auxquelles s’ajoutent la chaleur et l’humidité, nous font craindre le pire car nous sommes tous en nage dès les premières minutes. Cependant, au fur et à mesure de la montée nous réalisons que les marches permettent de mieux réguler nos efforts grâce à leur régularité. Petit à petit nous rattrapons quelques groupes de touristes chinois mais toujours aucun occidental en vue. Nous sommes finalement assez surpris de cette situation car nous pensions que ce serait le contraire. Les chinois nous surprennent car ils montent d’une manière très différente de la nôtre : ils s’arrêtent à toutes les gargotes qui jalonnent la montée (une toutes les 20 minutes) et entre-temps alternent sprints dans la montée et pauses pour reprendre leur souffle. En plus quasiment aucun d’entre eux n’est équipé pour marcher : les femmes sont en petite robe à froufrou et chaussures à talons tandis que les hommes ont sorti leurs plus beaux mocassins et mouillent leur chemise (quand ils ne montent pas directement torse-nu, grande spécialité chinoise !). Nous sommes très contents de pouvoir observer la société chinoise dans sa diversité. Même si les contacts sont limités, presque tous les Chinois que nous croisons nous disent bonjour en chinois ou en anglais et une bonne fraction d’entre eux souhaite nous prendre en photo. Un autre aspect étonnant de cette montée est la présence de chaises à porteurs que les chinois n’ont absolument aucun scrupule à utiliser. Nous sommes choqués par ce quasi-esclavagisme quand nous croisons des porteurs à bout de souffle dans la montée en train de porter un touriste tranquillement allongé sur la chaise. SAM_0696Quasiment toute la montée se fait dans le nuage, ce qui renforce le caractère mystique de la montagne. Sur le chemin, nous utilisons les temples comme prétexte à des pauses. Aucun n’a la splendeur de Wannian mais nous sommes bien contents de pouvoir y reprendre notre souffle ! En milieu d’après-midi, en raison des plans plus qu’approximatifs fournis par le parc, nous ne sommes plus très sûrs de savoir où nous en sommes par rapport à notre plan de montée et craignons d’être encore très loin du monastère où nous prévoyons de passer la nuit. Heureusement nous croisons un couple de touristes français qui eux descendent de la montagne et nous disent pour notre plus grand bonheur que ce fameux monastère n’est plus qu’à une petite heure de marche. SAM_0712 Cela nous redonne des forces et du courage pour gravir les dernières marches et franchir le dernier obstacle : les groupes de singes du Mont Emei. Outre le pèlerinage, le Mont Emei est en effet connu pour ses singes (Tibetan Macaques) toujours chapardeurs et parfois agressifs. On nous avait prévenus au pied du mont de faire attention lorsque nous en croisons, et en effet ils sont bien plus entreprenants et menaçants que ceux que nous avions croisés en Indonésie. Ils observent scrupuleusement chaque touriste qui passe et si l’un d’entre eux a le malheur de laisser dépasser une barre de chocolat ou une bouteille d’eau, ils lui sautent dessus pour s’en emparer. Le seul frein à leurs attaques est le bâton de marche tapé sur le sol pour les tenir à distance, mais le mâle dominant a la fâcheuse tendance de prendre ça comme un défi à son autorité et n’hésite pas à montrer les dents et grogner à notre passage.

A 17h30, après 6h30min de marche, 1700 mètres de dénivelé positif et 240 mètres de dénivelé négatif, nous arrivons finalement au monastère de Jeyin, dernière étape avant le sommet. Nous passons la nuit au monastère dans une chambre à quatre que nous partageons avec Thomas et Nathalie et profitons du menu végétarien proposé par les moines pour « reprendre des forces ». Heureusement nous avons quelques barres de chocolat et snacks avec nous pour combler le manque de protéines car le lendemain matin, nous nous sommes réservé un dernier petit plaisir : gravir les dernières marches jusqu’au sommet dans la nuit avant le lever du soleil. Même si la nuit n’est pas si courte que cela, elle n’est pas très reposante en raison de l’humidité qui règne dans les chambres et mouille les draps. Quand le réveil sonne à 4h15, nous sommes donc tous contents de partir ! Cette dernière montée de 500 mètres dans la nuit et la lueur des lampes frontales n’est finalement pas si terrible. Comme nous ne voyons pas l’enchaînement des marches dans le noir, nos esprits se concentrent sur les deux prochaines marches et très vite nous montons à un bon rythme, marche après marche. Cela nous semble à tous moins dur que la veille. A 6 heures du matin, nous arrivons aux pieds du Bouddha Doré, où nous retrouvons Anne-Sophie qui a passé la nuit dans un hôtel au sommet. DSC04083 Il y a déjà beaucoup de monde le long de la rambarde au sommet et des acclamations accueillent les premières lueurs du jour. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises au milieu des touristes chinois ! Nous retrouvons même, planté à côté de nous, un jeune chinois avec qui nous avions discuté la veille et qui semble nous suivre comme notre ombre. Il insiste pour nous offrir une photo prise par un photographe officiel en face du lever de soleil ! Le lever de soleil est magnifique. Le soleil rougeoyant émerge lentement de la mer des nuages qui s’est formée au pied du sommet.  SAM_0702 DSC04097 DSC04110

Après une belle séance photos, nos estomacs crient famine et nous partons reprendre des forces autour d’un petit déjeuner local. Nous regrettons l’absence d’une boulangerie !SAM_0704Il est ensuite temps de commencer la descente. Nous redescendons ce que nous venons de monter en téléphérique jusqu’au monastère où nous avons passé la nuit, avant d’attaquer les 20 000 marches dans l’autre sens. Le chemin retour est le même qu’à l’aller pendant les deux premières heures, puis nous bifurquons en direction du monastère Hongchuping où nous passerons notre deuxième nuit. Sur cette route, les escaliers sont particulièrement raides et nous sommes bien contents de les descendre plutôt que de les monter. Les sensations de la descente sont vraiment très différentes de celles de la montée : nous étions très vite essoufflés en montant, mais la descente nous permet de bien ressentir les muscles de nos mollets, genoux et cuisses travailler à fond. Après 7h50min de marche, 865 mètres de dénivelé positif et 2314 mètres de dénivelé négatif, nous arrivons enfin au monastère. Il est bien plus authentique que celui de la veille qui ressemblait plus à une auberge de jeunesse. Pour notre plus grand plaisir, les concessions à la modernité sont la présence de douches chaudes dans des sanitaires propres et inodores (chose très rare !).  Une autre bonne surprise est la présence d’un petit restaurant tenu par un ancien cuisinier de l’armée qui prépare des bons plats chinois avec de la viande en un temps record. Après deux belles journées d’effort physique, nous sommes bien contents de pouvoir avaler quelques protéines !

Afin de nous ménager une demi-journée à Chengdu pour profiter de la ville, nous décidons de nous lever une nouvelle fois avant le soleil et dès 6h30, nous revoilà sur les marches pour descendre la montagne. Une petite centaine de marches plus bas, nous faisons à nouveau un détour pour goûter les pancakes du restaurant de la veille. Elles nous donneront des forces pour les dernières marches du pèlerinage ! SAM_0730 Cette dernière journée est bien plus facile que les autres et nous ne marchons au total que 2 heures. En chemin, le beau temple de Qinxjing s’offre à nous… et aux centaines d’autres touristes chinois venus le visiter pour la journée. Nous étions bien tranquilles sur les marches dans la descente, mais dès que nous nous rapprochons de l’arrivée, nous retrouvons tous les touristes qui ne font qu’une petite ballade dans le parc d’Emeishan pour visiter les plus beaux temples. La dernière partie de la marche est également très belle avec de nombreuses statues taillées à même la roche dans la montagne.SAM_0743 Une belle conclusion à ce beau périple que fut l’ascension du Mont Emei !DSC04118