mercredi 14 juillet 2010

Angkor, grandeur et décadence du peuple khmer

Après notre courte pause à Kratie pour observer les dauphins d’Irrawady avant qu’ils ne disparaissent définitivement, nous prenons le bus mercredi 23 juin en direction de Siem Reap, la ville la plus proche des temples d’Angkor. Le voyage en bus nous prend toute la journée : visiter les merveilles d’Angkor se mérite ! Nous avons la bonne surprise de découvrir que l’hôtel que nous avons réservé à Siem Reap offre de nombreux services compris dans le coût modique de la chambre : pour $9 nous avons une chambre double avec la climatisation et salle de bain privée, vue sur la ville, cocktail de bienvenue sans oublier un massage « décontractant » de 20 minutes. La mauvaise nouvelle, c’est que nous devrons en partir dès le lendemain car nous n’avons réservé qu’une nuit et il est complet pour les nuits suivantes. Nous découvrons la ville dans la soirée et au détour d’une rue, nous tombons à nouveau sur le même Français avec qui nous avions franchi la frontière et que nous avions ensuite retrouvé à Phnom Penh. D’après nos itinéraires respectifs, c’est la dernière fois qu’on devrait se rencontrer !

Jeudi 24 juin, c’est le grand jour. Nous sommes partis pour une journée à la découverte de quelques uns des joyaux d’Angkor. Nous commençons notre tour par le temple de Banteay Srei, le plus éloigné de la ville à 32km au nord. Nous négocions avec un tuk-tuk qu’il nous prenne en charge pendant toute la journée, nous emmenant aux temples et  profitant de notre temps de visite pour faire la sieste. Nous n’avons pas été très matinaux et arrivons à Banteay Strei sur les coups de midi, au moment le plus chaud de la journée. Nous souffrons bien plus de la chaleur que des hordes de touristes. En effet, nous avons le luxe de visiter le site seuls. Banteay Srei est célèbre pour la finesse de ses sculptures taillées dans du grès rose. Pour l’anecdote, c’est aussi là que Malraux se fit coincer en 1923 après avoir pillé quelques bas reliefs pour les revendre à des collectionneurs à Paris. Ca lui vaudra un petit séjour à l’ombre… A la différence des autres temples d’Angkor, la construction de Banteay Srei a été commandée par un brahmane (prêtre hindou) et non par un roi. Le temple est dédié au dieu hindou Shiva. Nous le réaliserons par la suite, mais c’est une chance d’avoir commencé notre visite par Banteay Srei car, en marge des ruines, se tient une exposition particulièrement riche sur les origines du temple, son architecture mais aussi plus généralement sur l’ensemble des temples d’Angkor. DSC01892DSC01907DSC01891DSC01886Sur le chemin retour de Banteay Srei se trouve le Landmine Museum où nous décidons de nous arrêter après la pause déjeuner. Ce qui est maintenant un musée listé dans les guides est le fruit de la collecte d’un ancien enfant soldat Khmer rouge qui s’est spécialisé dans la pose de mines sur les champs de bataille. Passé dans le camp vietnamien rapidement pendant la guerre, il tira profit de son expérience du maniement des mines pour devenir démineur une fois la guerre terminée. D’abord amateur appelé par les villageois pour déminer des champs afin de planter du riz, il suivit ensuite des formations à l’étranger et est devenu un expert reconnu dans son domaine. Le musée a le mérite d’expliquer en termes simples les conséquences de l’utilisation de mines pendant un conflit. Outre les victimes humaines qui perdent un bras, une jambe mais rarement la vie (la doctrine militaire voulant qu’un soldat blessé soit un poids plus lourd pour son armée qu’un soldat mort – no comment), les mines tuent aussi le bétail et rendent d’immenses territoires impropres à la culture. Il suffit en effet qu’un champ ait la réputation d’avoir été miné pour que les villageois refusent à juste titre de s’y aventurer pour planter du riz. Les mines sont donc actives bien après un cessez-le-feu. Armes de guerre, elles sont aussi des armes contre la paix. Le musée détaille également ce qu’est la convention d’Ottawa contre les mines anti-personnelles, qui jusqu’à ce jour, signalons le, n’a toujours pas été ratifiée par l’administration Obama (sous prétexte que les mines font partie intégrante de la stratégie de défense dans le conflit en Corée), la Chine, la Russie, les deux Corées ou le Vietnam. Le musée a des vertus éducatrices, mais il a aussi une vocation sociale en accueillant et en scolarisant des enfants mutilés par les mines.  

Après cet intermède formateur mais peu réjouissant, nous continuons notre périple en allant visiter le temple de Ta Promh. Ce temple est célèbre car les archéologues ont décidé de le laisser en partie dans l’état où il fut redécouvert. Certaines parties de ce temple monumental sont donc recouvertes par la jungle qui au cours des siècles s’est immiscée entre les pierres et tient lieu maintenant de ciment pour soutenir l’édifice. DSC01923 Juste après que nous entamions la visite (sans guide mais c’est la norme à Angkor), l’orage commence à gronder et il se met à tomber des cordes. L’orage dans la jungle a le mérite de faire fuir les derniers visiteurs du site (déjà peu nombreux). Visiter un tel lieu seuls sous l’orage a quelque chose de dramatique et s’apparente davantage à un parcours d’Indiana Jones qu’à une visite guidée dans un musée.  Lessivés une fois de plus, nous rentrons à l’hôtel. Pas de photo du coucher de soleil sur Angkor pour aujourd’hui, demain peut-être…DSC01925DSC01941DSC01937Pour notre deuxième jour de visite, nous avons gardé les deux pièces majeures que sont Angkor Wat et Angkor Thom. Pour nous affranchir de la foule des touristes, nous avons loué des vélos car ces deux temples se trouvent à moins de 10km du centre ville de Siem Reap. Une fois n’est pas coutume, nous décidons de nous lever à 4h du matin pour aller admirer le lever du soleil sur Angkor Wat. Il y a quand même une bonne demi-heure de vélo dans la nuit noire, heureusement la route est en partie éclairée (le tourisme de masse est passé par là). Nous sommes en place aux premières lueurs de l’aube pour découvrir Angkor Wat, le plus grand édifice religieux du monde. Malheureusement nous ne sommes pas les seuls à avoir eu l’idée et pour la première fois nous devons partager nos temples d’Angkor… DSC02010DSC01987 Une fois le soleil levé, les tours entament la visite du temple au pas de course, tandis que nous profitons d’un petit déjeuner avec vue sur le temple. Nous commençons à proprement parler notre visite vers 7h, lorsque les tours commencent déjà à déserter les lieux. Pour nous imprégner au mieux du lieu, nous le visitons par cercles concentriques.DSC02050Nous commençons par un premier tour de l’ensemble où nous pouvons observer un groupe de singes vacant à ses occupations. Nous entamons ensuite un deuxième tour au pied du temple pour admirer les bas-reliefs. Nous finissons enfin par rentrer dans le temple proprement dit où nous faisons le tour des cours intérieures pour finir par l’ascension de la tour centrale. La finesse et la profusion des bas-reliefs et des statues qui parsèment le temple sont tout simplement stupéfiantes.DSC02076DSC02024

Panorama Angkor Wat

Nous avons terminé la visite d’Angkor Wat à 10h et décidons de rentrer nous reposer plutôt que d’enchaîner directement sur Angkor Thom. Deux heures et une petite sieste plus tard, nous déjeunons rapidement dans Siem Reap avant de parcourir à nouveau la route en vélo, cette fois-ci jusqu’au complexe d’Angkor Thom. C’est en fait une ville qui a été construite vers la fin de l’empire khmer, après que l’ancienne ville d’Angkor eut été prise par l’empire siamois (la Thaïlande actuelle). Nous commençons par l’emblème du lieu, le temple de Bayon, célèbre pour ses visages gigantesques représentant à la fois Jayavarman VII, le roi qui a fait construire la ville, et Avalokiteshvara, le bouddha de la compassion._DSC2100 DSC02118

A l’époque les habitations étaient en bois et seuls les bâtiments religieux pouvaient être en pierre – ce sont les seuls bâtiments qui restent aujourd’hui. Les archéologues estiment que la ville comptait 1 million d’habitants – à la même période (vers 1200) Londres ne comptait que 50 000 habitants. Il est très impressionnant de se balader dans les ruines du Bayon, au milieu de ces visages géants, au sourire énigmatique et qui nous scrutent sans cesse. Leur omniprésence permet même quelques jeux avec les photos… DSC02113DSC02104 Nous continuons la visite d’Angkor Thom en allant vers la Terrasse des Eléphants : une immense esplanade où se tenaient les cérémonies officielles et les audiences publiques. De nombreux bas-reliefs et statues représentent des éléphants, ce qui donne son nom à l’esplanade. DSC02153 DSC02096Nous terminons la journée à Phnom Bakheng, un temple pyramidal en ruines qui est maintenant très populaire pour observer les couchers de soleil. Nous sommes cependant un peu déçus car avions imaginé que nous aurions pu observer le coucher de soleil sur Angkor Wat ou Angkor Thom depuis ce point de vue. Ce n’est malheureusement pas le cas, nous pouvons simplement observer le coucher de soleil sur la plaine de Siem Reap. panoramaDSC02196 Même si nous terminons sur une note à demi-teinte, la découverte des temples d’Angkor reste extraordinaire. Le contraste est frappant entre la grandeur passée du royaume khmer dont les temples sont les témoins et les vicissitudes contemporaines du Cambodge. Pari celles-ci, notons que les Khmers Rouges n’ont reculé devant rien et ont laissé à l’abandon les temples pendant le temps où ils étaient au pouvoir. Ils ont même été jusqu’à abattre les gardiens et archéologues travaillant sur les temples et détruire les plans de restauration des temples, si bien qu’à ce jour certains sont littéralement des puzzles en 3D de centaines de milliers de pièces. Comme pour les autres incontournables touristiques de notre voyage (Machu Pichu, chutes d’Iguazu ou Perito Moreno entre autres), nous avons le sentiment que le site est largement à la hauteur de sa réputation. Avec quelques notions d’archéologie ou un guide compétent, on pourrait facilement se perdre des semaines à visiter ces temples tant ils sont riches.