mercredi 28 juillet 2010

La deep jungle laotienne à Luang Nam Tha

Nous passons la frontière entre la Thaïlande et le Laos le mercredi 7 juillet. Cela consiste en une traversée du Mékong que nous effectuons à bord d’un long tail boat, une espèce de pirogue très fine équipée d’un petit moteur. P1090145P1090148 Une fois notre visa laotien établi, nous allons rendre visite aux bureaux de The Gibbon Experience, un projet de conservation mis en place par un français qui consiste à partir 3 jours dans la jungle en se déplaçant avec des tyroliennes et en dormant dans des cabanes dans la canopée. Le principe nous plaît évidemment beaucoup, cependant nous avons lu beaucoup d’avis divergents sur Internet et le prix est très élevé ($250 par personne). Nous décidons donc d’être raisonnables et de ne pas nous offrir ce petit luxe qui pourrait en plus s’avérer décevant. A la place, nous prenons un minibus vers le Triangle d’Or et la ville de Luang Nam Tha, encore plus au nord du Laos et encore plus dans la jungle, en espérant pouvoir y organiser un trek tout aussi authentique mais bien moins cher ! Nous rejoignons Luang Nam Tha après un trajet assez chaotique sur des routes de montagne, contents d’être arrivés sains et saufs, ce qui ne doit pas être le cas des passagers du bus dont la carcasse gît sur le bas côté au détour d’un virage!!! La ville est bien plus petite et calme que Chiang Mai et la plupart des maisons dans la rue principale sont des auberges / restaurants ou des agences organisatrices de voyage! La ville se développe petit à petit grâce à l’éco-tourisme. Nous trouvons notre bonheur en nous installant dans une auberge en dehors de la rue principale pour être plus au calme et en organisant un tour d’une journée de kayak suivie d’une journée de marche. C’est la basse saison en ce moment, et les évènements de Bangkok (manifestations des chemises rouges réprimées par l’armée) ont découragé de nombreux touristes de voler jusque Bankok. Or le tourisme Laotien dépend beaucoup de l’aéroport de Bangkok (plate-forme quasi incontournable dans la région) car aucun vol international en dehors du Sud-Est asiatique n’atterrit au Laos. Il y a donc très peu de touristes en ville et il est difficile de composer des groupes pour les agences de voyage. La pratique est de charger au nombre de personnes par groupe : plus y il y a de gens, moins c’est cher. Finalement, pour ne pas devoir attendre d’autres touristes, nous signons pour un tour « privé », mais négocions quand même de payer le tarif pour trois ! Espérons qu’il y ait un peu plus de monde d’ici le lendemain pour baisser le coût de l’addition ! Dans la soirée nous essayons la cuisine des communautés minoritaires au Laos – au menu : soupe de racines de Ratan (un arbre proche du bambou) et poudre de riz collant. Copieux, mais délicieux !

Nous partons le lendemain,  jeudi 8 juillet,  pour notre premier jour de Kayak, avec notre guide et un Hollandais. Nous serons donc finalement 3 touristes. Avant de commencer le kayak à proprement parler, nous visitons un village Lanten, une des communautés minoritaires du Laos. C’est un village traditionnel avec des maisons en bambous, les habitants nous observent nous promener dans les rues, toujours un peu surpris par ces étrangers mais probablement habitués au défilé des touristes. Une des caractéristiques de cette communauté est que les femmes se rasent les sourcils (une pratique qui tend à disparaître car les jeunes filles vont maintenant « à la ville » et préfèrent le look avec sourcils). Tous leurs vêtements sont confectionnés par les femmes du village et elles portent toujours le costume traditionnel. En « souvenir » de notre visite, nous avons même le droit à un petit sac qu’elles ont tricoté ! Il est ensuite temps de passer aux choses sérieuses et de se mettre à pagayer. Nous avons accepté de faire du kayak car on nous a expliqué qu’avec le courant de la rivière et les quelques rapides, il ne fallait pas trop pagayer. En effet, nous ne voulons pas revivre le cauchemar de notre expérience sur le lac Titikaka J Nous avons un grand kayak pour nous deux tandis que le guide et notre compagnon hollandais ont chacun le leur. P1090154 Un kayak solo est certainement bien plus maniable mais il est aussi amusant d’être tous les deux. Nous arrivons assez vite à le manœuvrer et le passage des rapides s’avère relativement facile (au moins au début). Le niveau de l’eau est bas et de nombreuses pierres affleurent ou dépassent de l’eau. Le rôle du pilote (dans ce cas Natacha) qui est assis à l’avant du kayak (le « moteur » étant toujours à l’arrière..) est donc primordial ! Après une heure et demie de kayak, nous nous arrêtons pour la pause déjeuner. Notre kayak prend l’eau (il doit y avoir un trou et l’eau rentre par le dessous de la coque) si bien qu’en fin de session nous n’arrivions plus du tout à le manier et manquions de nous renverser à chaque mouvement… P1090156 Notre guide s’improvise cuisinier le temps de quelques instants et nous fait cuire des petits poissons au feu de bois, le tout au bord de l’eau en mangeant comme les locaux, c'est-à-dire avec les mains ! Tout cela serait purement paradisiaque, si la pluie ne s’invitait pas en plein milieu, nous laissant déguster tous nos mets trempés… Evidemment, dès que nous avons fini de manger, la pluie s’arrête ! Nous repartons ensuite pour encore une grosse heure de kayak. Lors du passage d’un beau rapide, le guide nous indique que c’est assez long et compliqué à passer et nous mime avec la main le chemin à suivre (grosso modo…). Nous n’avons pas vraiment le temps de comprendre grand-chose et ne pouvons qu’appliquer notre technique habituelle : nous accrocher et espérer que ça passe. Notre ami hollandais se fait avoir avant nous et nous le voyons tomber à l’eau, juste avant de découvrir pourquoi : une énorme pierre émerge en plein milieu des rapides. Il est trop tard pour l’éviter, et nous aussi fonçons dessus. En essayant malgré tout de l’éviter, nous la prenons de plein fouet sur le côté, ce qui fait se renverser le kayak et nous met nous aussi à l’eau ! Fred tombe la cuisse sur une pierre et nous mettons tous les deux quelques secondes à nous souvenir des conseils du guide en cas de chute : se mettre sur le dos et se laisser aller avec le courant. En effet, sa force empêche de s’agripper à quoi que ce soit. Et si on ne se met pas sur le dos les jambes levées, alors on se prend toutes les pierres de la rivière – et il y en a beaucoup ! Quelques minutes de panique et beaucoup de bleus plus tard, nous sortons des rapides et pouvons enfin nous arrêter sur le bord de la rivière pour remonter sur les kayaks. Plus de peur que de mal !  Heureusement nous avions donné notre sac au guide, sentant bien qu’il serait plus en sécurité avec lui qu’avec nous… Mais nous avions gardé chacun un sac étanche dans lequel nous avions mis vêtements, snacks et appareil photo. Un des sacs étanches a fait honneur à sa dénomination et est resté bien sec, mais l’autre était rempli de plusieurs centimètres d’eau. Malheureusement, c’est celui où il y avait le petit appareil photo. Il n’y a plus qu’à le laisser sécher et prier pour qu’il remarche…

Nous accostons finalement dans un village Khmu, où nous laissons les kayaks pour visiter le village. Notre guide vient de cette communauté est la plus grande minorité du Laos. Ce sont principalement des fermiers animistes. Ils ont une culture orale et n’ont donc pas de caractères écrits. Grâce à divers programmes de développement, la plupart de ces villages ont maintenant des écoles primaires où les enfants entre 6 et 11 ans peuvent apprendre à parler le Lao (sinon ils ne parlent que leur dialecte) et faire un peu de mathématiques. S’ils veulent continuer après 11 ans, il faut qu’ils déménagent pour se rapprocher d’une plus grande ville… Nous allons passer la nuit dans ce village tous les deux (le hollandais rentre dormir à Luang Nam Tha) et découvrons la maison de la famille qui nous accueille. Pour l’instant c’est toujours la même famille qui accueille les touristes (la maison des parents du chef du village) mais il est question de construire une maison spéciale pour les touristes et faire tourner les familles qui les nourrissent et passent du temps avec eux. Avant de dîner, nous nous promenons dans le village et observons la vie quotidienne. Tous les travailleurs sont rentrés des champs autour de 17h et sur les coups de 18h s’organise un tournoi de Ratan Ball, un jeu mélangeant le foot et le volley (ce que nous avions appelé Footminton à Saigon). Comme d’habitude, seuls les hommes y jouent. Il y a un filet au dessus duquel il fau passer la balle uniquement avec les pieds, les épaules, la poitrine ou la tête (tout sauf les mains). Le niveau de jeu est assez élevé et Fred ne s’aventure à essayer que bien plus tard, une fois que les grands ont arrêté de jouer et que les petits de 7/8 ans les ont remplacé. Il a alors à peu près le même niveau qu’eux J Il est intéressant de noter que, à partir d’un certain âge (7/8 ans), les garçons et les filles ne semblent plus se mélanger.

Notre guide parle bien l’anglais et fait des efforts pour nous expliquer les coutumes et traditions du village. Nous faisons face à une énorme différence culturelle en abordant le sujet des chiens. Nous découvrons en effet qu’on mange du chien au Laos (comme on en mangeait au Vietnam). Le guide nous explique que lorsqu’une famille reçoit des invités pour une grande occasion, ils ont rarement de quoi les nourrir et sacrifient donc un chien en plus d’un cochon. Ce qui nous choque le plus, c’est que les chiens vivent avec eux : ils dorment dans leur maison, sont près d’eux quand ils mangent, leur font la fête, etc. En y regardant de plus près cependant, nous nous rendons compte que les habitants du village ignorent complètement les chiens et les considèrent effectivement probablement comme des cochons, sauf qu’ils sont un peu plus envahissants et aiment bien rester près des hommes, ce que les habitants tolèrent tout au plus. Ce sont finalement les chiens qui se comportent comme un chien de la famille, mais la famille ne les considère pas du tout comme leur chien. Ou du moins il n’est le leur que lorsqu’ils ont besoin de sa viande. Cela nous paraît bien cruel et il est difficile de comprendre comment ils ne s’attachent pas le moins du monde à un animal qui leur fait la fête à chaque fois qu’il les voit, mais c’est ainsi. Différentes cultures, différentes mœurs. Nous nous disons qu’il y aurait beaucoup de travail pour éduquer les communautés locales sur le fait que le chien est un animal de compagnie et pas du bétail…

Après le dîner (que nous espérons sans chien), nous avons l’honneur de goûter au Khmu whisky. On nous avait beaucoup parlé du Lao whisky (l’alcool est apparemment un vrai problème au Laos et le Lao Whisky coule à flots), mais le guide nous explique que le Khmu whisky n’a rien à voir, que seule la communauté Khmu sait le faire et que tous les Laotiens se l’arrachent (un peu de chauvinisme dans sa description ???). C’est un alcool fait à partir de riz fermenté et nous goûtons celui préparé par la femme du chef du village. Nous en buvons 3/4 gorgées et ce n’est effectivement pas mauvais sur le coup, même si l’arrière goût laisse à désirer. Assez vite, nous comprenons que nous sommes peut-être simplement un bon prétexte pour sortir le Khmu whisky et la famille en boit beaucoup plus que nous… Nous décidons de nous éclipser vers 21h car ça parle de plus en plus Khmu et le guide ne prend plus trop la peine de nous traduire ce qui se dit, il est probablement temps que nous allions nous coucher !

Après une bonne nuit sur un matelas très fin et très ferme et une moustiquaire en plutôt bon état, nous repartons avec notre guide vers un autre village pour rejoindre 6 autres personnes qui se joignent à nous pour marcher dans la jungle. Cela veut accessoirement dire que nous sommes bien plus nombreux que prévu et que le coût du tour sera moindre J Nous visitons au préalable le village où ils nous attendent, un autre village Khmu. Nous avons la chance de voir l’école pendant que les enfants y sont et tombons sur une classe de danse traditionnelle, un beau spectacle! Les danses ressemblent beaucoup aux danses khmers… ce qui est logique car les Khmu viennent de ce qui est maintenant le Cambodge. Nous partons ensuite pour une marche de 2h dans la véritable jungle. Nous sommes d’habitude plutôt en tête de peloton dans les groupes de marche mais cette fois-ci nous tombons sur des sportifs et nous devons littéralement courir dans la jungle. Du coup nous en profitons un peu moins… Nous avons quand même le temps de goûter à divers fruits et autres racines de bambous en chemin. Nous espérions voir un peu de faune, car il reste des tigres, des ours et des léopards dans cette jungle ainsi que de nombreux singes, mais nous ne voyons qu’un petit caméléon… Pour le déjeuner nous nous arrêtons en plein milieu de la jungle, dans un endroit où une table apparaît miraculeusement et où nos guides font de nouveau un feu. Nous mangeons sur des feuilles de bananiers en guise de nappe et avec nos doigts comme couverts. Nous remarchons deux petites heures dans l’après-midi, toujours en courant et toujours avec de beaux dénivelés et sous la chaleur, ce qui rend la marche assez éprouvante. Nous terminons la journée par la visite d’un village partagé entre les communautés Lanten et Khmu et la bonne nouvelle est qu’ils cohabitent bien et partagent le même chef !

Nous rentrons en fin d’après-midi à Luang Nam Tha, bien fatigués par nos deux jours d’activité. Pour nous remettre d’aplomb, rien de mieux qu’un dîner au marché de nuit où nous achetons un poulet pour deux accompagné de nouilles. Avec le luxe en dessert de bananes cuites au barbecue avec de la noix de coco !